Il y a 10 ans, le réalisateur italien Marco Tulio Giordana réalisait un film pour la télévision qui s’appelait « La Miglio gioventu » – « Nos plus belle années », en français- et qui retraçait l‘histoire d’une génération, celle qui avait 20 ans en 1968 et en Italie. La télévision – en l’occurrence la RAI- n’avait pas voulu le diffuser- « pas assez grand public »- jusqu’à ce que le film obtienne un prix au Festival de Cannes et dans la foulée soit progtammé en salle avec un extraordinaire accueil du public. Et donc, la télévision finira par le diffuser montrant ainsi qu’elle sait courir derrière le succès, ce qui est une manière comme une autre de faire son mea culpa.
« De jour comme de nuit », le dernier roman de Jean Luc Outers, paru chez Actes Sud, incarne « nos plus belles années » à nous qui, en Belgique, avions 20 ans en 68. Comme toujours dans le parcours littéraire de Jean Luc Outers, le roman puise ses sources dans l’autobiographie de l’auteur. Au début des années 70, quand Louvain n’était pas encore « la-neuve », Hippolyte, César et Juliette – et leurs amis- entrent en révolte contre leurs parents…et le monde entier. Ils vivent au rythme de l’espoir, se promenant dans un Portugal libéré du fascisme par des militaires qui ont choisi l’œillet pour symbole, ils accompagnent les chants de libération qui se succèdent en Grèce et en Espagne. Se souvient-on que dans le dernier quart du XXe siècle subsistaient trois dictatures fascistes en Europe ? Ils désespèrent à la mort d’Allende et au coup d’état militaire au Chili. Mais ils continuent de penser qu’on peut changer le monde.
Et même « ici et maintenant », en créant dans une aventure abracadabrante et touchante,l’école des écoles, celle qui accueille tous ceux qui en sont exclus. Psy et politique, communautés et désir individuel, social et philosophie : la grande cohabitation et parfois l’immense confusion créatrice des années 70 se déroule sous la plume et le regard de Jean Luc Outers qui aime promener une ironie malicieuse sur des personnages qui appartiennent à sa propre histoire. On y puisera, selon les cas, nostalgie ou étonnement mais en se disant qu’avoir 20 ans en 1970 était plutôt une belle histoire…