Macron, Mélenchon et le “théorème de Malraux”

En langage archéo-marxiste, on dirait qu’Emmanuel Macron incarne parfaitement « la nouvelle stratégie de la bourgeoisie française » en butte aux crises multiples qui secouent la France et le monde. Dans sa démarche qui l’a conduit sans coup férir à l’Élysée, le président a pris acte de l’épuisement de la fausse alternance qui conditionnait la vie politique française depuis trois décennies. Il théorise et met en pratique l’hégémonie libérale qui règne sans partage depuis le Traité de Maastricht (1992) mais qui remonte – en France – au « tournant de la rigueur » décidé par François Mitterrand en 1983. Il expérimente donc une formule nouvelle qui entend entériner cet état de fait et assumer sans complexe un libéralisme à la Blair dont les fondamentaux lui sont les plus proches. La « touche » Macron est de conjuguer libéralisme économique et libéralisme culturel, ce qui n’est pas fréquent dans la droite française traditionnelle et se traduit aussi dans la composition de son gouvernement.

Le « renouveau » se traduit naturellement dans le bouleversement du cadre politique et l’apparition massive de nouvelles figures qui sera encore accentuée par les législatives où un tiers des sortants ne se représente pas. L’orientation libérale, elle, est tout sauf une surprise. Macron met en place ce qu’il avait annoncé durant sa campagne. Certes, l’attribution des finances et du budget à la droite dure du panel macronien peut déséquilibrer l’économie générale de la construction, mais c’était sans doute la meilleure façon pour le président de déstabiliser un peu plus le camp LR où le désarroi est patent. Emmanuel Macron, qui a revêtu sur le champ les habits d’un président de la Ve république, poursuit donc méthodiquement son entreprise de démolition des partis traditionnels. Le pari n’est pas sans risque mais jusqu’ici l’habileté stratégique est incontestable. Les contradictions du casting gouvernemental peuvent cependant éclater à la moindre occasion. La place réelle et la capacité (et/ou la volonté) d’intervention de Nicolas Hulot – ce « crève-cœur », comme dit Mélenchon – seront au centre de toutes les attentions et permettront de juger des limites de l’exercice.

S’il remporte les législatives, le couple Macron/Philippe aura un boulevard devant lui, la recomposition sera inscrite dans les faits et ce nouveau « bloc libéral » sera en mesure d’installer durablement son hégémonie. Bien que dans un contexte totalement différent, la situation rappelle, par certains aspects, celle créée par le retour de De Gaulle en 1958. André Malraux avait alors pour habitude de dire qu’ « entre nous (les Gaullistes) et les communistes, il n’y a rien ». Il ne déplairait sans doute pas à Jean Luc Mélenchon que demain « entre les macroniens et les insoumis, il n’y ait plus rien ». La France Insoumise peut-elle devenir l’opposition majeure (à côté de celle du Front National) ? Le refus de Mélenchon de s’allier à d’autres forces de gauche exclut une victoire qui était pourtant du domaine du possible. Mais la dispersion de la gauche peut aussi l’empêcher de devenir « L’Opposant ». Le réveil au soir du 11 juin risque d’être amer et le « théorème de Malraux » de rester lettre morte.

 

PS : Les archives du Blog-Notes restent accessibles sur l’ancien site : http://blogs.politique.eu.org/-Le-blog-notes-d-Hugues-Le-Paige-

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