France : au-delà de la débâcle annoncée

Ce dimanche, pour le premier tour des élections départementales, le PS va-t-il enregistrer une débâcle historique ? Dans la suite d’insuccès électoraux sans précédents, c’est vraisemblable. On pense que les socialistes pourraient être éjectés dès ce premier tour dans près de 500 cantons (sur 2000). A la tête aujourd’hui de 61 Conseils Généraux sur 100, ils ne devraient en conserver qu’une vingtaine. Pour le parti présidentiel, tous les vents sont contraires. La politique social libérale Hollande-Valls-Macron s’obstine dans la voie de la rigueur malgré une absence de résultats flagrante (et logique). Un taux d’abstention record (il pourrait dépasser les 55 %) privera bon nombre de candidats socialistes des 12,5 % d’inscrits nécessaires au maintien pour le second tour (29 mars). Une abstention doublement favorisée par le désarroi des électeurs de gauche et le peu de lisibilité d’un scrutin concernant une institution, le département, dont on avait annoncé la suppression, il y a quelques mois encore. La réforme territoriale en cours laissant de surcroît bien des incertitudes sur son avenir. Enfin la gauche n’a jamais été aussi divisée : les écologistes de EELV ont un peu plus tourné le dos à leurs partenaires socialistes pour se présenter seuls ou s’allier au Front de Gauche. Et même le PCF, toujours soucieux de protéger ses élus locaux qui constituent son oxygène vitale a décidé qu’il n’était plus décidemment possible se présenter avec les socialistes. Et tout cela laissera bien peu d’élus aux Verts et à la gauche non socialiste qui ne sont pas en situation de présenter une alternative crédible.

Pour la droite et le Front National, l’enjeu de ce scrutin généralement considéré comme mineur est d’importance. Nicolas Sarkozy qui a manqué sa rentrée politique, et qui n’a jamais été aussi contesté dans ses propres rangs, espère une vague bleue pour se relancer. Marine Le Pen compte bien l’en empêcher en imprimant le scrutin de sa marque. Et, si le FN ne sera en mesure que d’emporter que l’un ou l’autre Conseil Général (l’Aisne ou le Vaucluse), la dynamique en sa faveur est impressionnante. Des sondages à 30 %, un maillage territorial sans précédent, une diversité d’électorats : la construction de sa rampe de lancement électorale pour les Présidentielles de 2017 est en cours.

Le démographe Hervé Le Bras vient de publier à ce sujet 7 cartes qui valent mieux que de longs discours [[dans l’excellent hebdomadaire Le Un, dirigé par Eric Fottorino ( n° 47 du 11 mars 2015)]] Les conclusions en sont imparables : « Le second FN, commente Hervé Le Bras, n‘est plus porté par la question de l‘immigration [[ Même si pour le FN, le combat contre l’immigration constitue toujours un élément de propagande qui ressort à la fois de l’ordre du phantasme et de l’idéologie]] mais par celle des inégalités sociales. Cette évolution est mise en lumière à travers cinq cartes des inégalités : les revenus les plus faibles, le chômage des 25-55 ans, les non-diplômés, les familles monoparentales, les inégalités locales commune par commune. Quand on superpose ces cartes, on retrouve la clientèle de Marine Le Pen ». Le constat est terrifiant et sans contestation possible. Et la réponse donnée par Manuel Valls et les dirigeants du PS qui agitent les mannes de l’antifascisme est aussi pathétique qu’inaudible.

Cette élection départementale marquera une date dans l’histoire politique de la France. Quel que soit le nombre de ses élus, le FN sera le premier parti du pays. Mais ce sont surtout les raisons de sa victoire qui marqueront. Le FN représente aujourd’hui une grande partie des citoyens les plus touchés par les inégalités sociales. Par ses dérives et ses abandons la gauche socialiste lui a abandonné ce flambeaux-là. On sait que Marine Le Pen n’en fera rien. Mais pour cette gauche, la défaite sera électorale, politique et idéologique : c’est sa raison d’être qui est désormais en cause.

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