C’est une révolution copernicienne pour la gauche, a dit le ministre de l’économie, c’est un renoncement aux engagements, ont répondu les critiques de gauche à propos du pacte de compétitivité adopté cette semaine par le gouvernement Ayrault. C’est, en tous cas, le premier tournant du quinquennat Hollande et un tournant majeur. Certes on pouvait lire entre les lignes du programme du candidat socialiste qu’il avait une conception plutôt libérale de la question du coût du travail et il s’était clairement prononcé pour une réduction drastique et immédiate des déficits budgétaires.
Mais un marqueur distinguait le programme de François Hollande et constituait le fondement de son identité de gauche : c’était son programme fiscal. Pour financer sans contrepartie les 20 milliards de réduction de cotisations patronales et les 10 milliards supplémentaires de réduction des dépenses publiques, le gouvernement Ayrault réinstalle la TVA sociale de Nicolas Sarkozy qu’il avait pourtant supprimée l’été dernier et que François Hollande n’avait eu de cesse de dénoncer durant sa campagne. L’augmentation de la TVA, le plus injuste des impôts, remet en cause un projet fiscal fondé sur une taxation plus progressive, une répartition plus équitable de l’impôt, la suppression des privilèges fiscaux. « Une régression intellectuelle et politique considérable », considère l’économiste Thomas Piketty qui avait été le principal inspirateur du projet fiscal de François Hollande. De plus, l’ensemble du pacte sur la compétitivité s’inscrit dans une politique économique de l’offre, traditionnellement pratiquée par la droite, à l’inverse de celle de la gauche qui favorise normalement la demande par le pouvoir d’achat.
Cette fois, en tous cas, la France s’inscrit sans ambages dans le cadre d’une austérité européenne qui plonge pourtant l’union dans la récession. Pas étonnant donc que ce pacte ait suscité l’approbation du MEDEF, l’organisation du patronat français, le satisfecit du Figaro, et le salut de la Commission Européenne qui souhaite cependant encore un effort. Dans ce carcan européen, les marges de manœuvres de la gauche française sont évidemment limitées. Mais on pouvait s’attendre à la manifestation d’une autre volonté politique. Il est vrai que la guerre idéologique a été terrible ces dernières semaines. Sous différentes expressions, le patronat français s’est démené avec une rare intensité, pratiquant efficacement toutes les formes de lobbying : campagne de presse, lettre ouverte sous forme d’ultimatum, chantage à l’emploi. Les médias, dans leur ensemble, ont largement repris l’argumention du « cap à changer face à la crise », au nom du simple bon sens, naturellement. Difficile dans ces conditions, très difficile de résister…