Ceux qui comptaient sur le Parlement européen pour rejeter ou au moins amender la directive de la Commission sur le renvoi des étrangers sans papiers en sont pour leur frais. Cette directive répressive et sécuritaire, baptisée «directive de la honte» par les associations humanitaires mais également critiquée par la Confédération européenne des syndicats ou par le haut Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, Louise Arbour, cette directive a donc été votée hier sans état d’âme et tous les amendements repoussés par les conservateurs, les nationalistes, les libéraux et une partie des socialistes, les espagnols et les allemands, tandis que les travaillistes s’abstenaient. Ce vote rappelle, en passant combien l’Europe est aujourd’hui ancrée à droite avec 21 de ses 27 Etats gouvernés par des conservateurs et des libéraux.
On aurait pu rêver d’une directive d’accueil qui fixe enfin des critères objectifs et communs pour l’immigration d’une part et la régularisation des sans-papier de l’autre. En clair, une politique communautaire respectant la tradition humaniste européenne, et tenant compte de la réalité des flux migratoires qui, en tout état de cause, font désormais partie de la marche chaotique du monde. On aurait aimé enfin adhérer à une Europe à la fois ouverte et réaliste, où le bon sens n’exclut pas les droits humains. Une Europe que l’on n’aurait pas envie de rejeter par referendum, par indifférence ou par mépris. En lieu et place, voici son masque grimaçant du repli et de l’exclusion, de la fermeture et de l’irréalisme.
Rétention — traduisez enfermement administratif — jusqu’à 18 mois pour les sans papiers devant quitter le pays, détention et expulsion de mineurs, sans oublier le bannissement de 5 ans du territoire européen pour les candidats expulsés. C’est l’Europe forteresse en état de siège. Au-delà des mesures concrètes, c’est la civilisation européenne elle-même qui se défigure. Certes des pays comme la Belgique qui ne sont pas aussi répressifs pourront maintenir leurs propres règles. Mais pour certains la tentation sera forte d’utiliser la directive européenne afin de durcir le ton. Et cela alors qu’on attend toujours, ici, des critères clairs de régularisation dont le projet figurait d’ailleurs dans les intentions gouvernementales.