A l’occasion de la désormais fameuse votation suisse sur les minarets, on a beaucoup reparlé des mouvements populistes ou néopopulistes qui se répandent en Europe. En fait le populisme que l’on connait aujourd’hui est un phénomène plus complexe qu’il n’y paraît et qui recouvre souvent des réalités très différentes. Certes, dans toutes les formes de populisme on trouve l’opposition du peuple et des élites, la critique d’une démocratie représentative souvent délégitimée, et le recours à des arguments démagogiques qui manipulent les peurs de la société contemporaine et flattent, selon les cas, le nationalisme, la xénophobie, voire le racisme.
Ensuite les versions du populisme sont nombreuses. Mais des partis comme l’UDC suisse, la Ligue du Nord en Italie ou le parti de la liberté en Hollande ont ceci en commun qu’ils récusent tout apparentement à l’extrême-droite ou au néofascisme. Fortement antiétatiques, ils défendent un ultralibéralisme libertarien qui est évidemment en contradiction avec les intérêts des couches populaires qui votent pour eux et ont un programme radicalement antimusulman par refus du multiculturalisme. Il y a quelques années déjà, le philosophe Alain De Besnoit que l’on présentait comme l’idéologue de la Nouvelle Droite, affirmait que le populisme n’était pas une idéologie mais un style et ajoutait-il en tant que style il peut se combiner avec les idéologies les plus différentes : national-populisme, libéral-populisme, social-populisme, voire télé-populisme. C’était assez bien vu.
Il y a d’ailleurs un populisme de gauche et un populisme de droite. Par ailleurs la notion de populisme a aussi été utilisée ces dernières années pour disqualifier un certain nombre de mouvements contestataires ou protestataires. Ce fut le cas notamment à l’égard de ceux qui s’opposaient à l’adoption du nouveau traité européen. Entre l’évident repli identitaire des uns et la contestation de l’ultra libéralisme des autres, ce mouvement exigeait pourtant une analyse plus fine. Le populisme peut utiliser, comme en Suisse, la peur de l’autre et sa propre incertitude identitaire. Mais dans bien des cas il se développe dans le prolongement des effets dévastateurs de la crise profonde de la représentation politique. Et si l’on veut combattre la démagogie populiste dans ses différentes expressions, c’est bien de cette crise-là qu’il faut repartir pour tenter de redonner un sens à la démocratie.