BX1 : des licenciements à la chaîne

BX1, la chaine d’info bruxelloise possède cette double qualité de média de proximité et qui sait aussi prendre de la hauteur. Ses informations sont  de qualité et sa matinale  fait référence. Depuis des années, ses émissions culturelles pallient avec bonheur aux abandons progressifs du service public en la matière. Et son effort à produire des émissions soucieuses d’inclusion et de respect de la diversité fait également partie de sa spécificité.

Peut-être faudra-t-il désormais évoquer ses qualités à l’imparfait. Le plan de restructuration qui a été annoncé la semaine dernière laisse peu de chances au développement de la chaîne et même  au maintien de son niveau actuel. Huit départs ( six licenciements et deux départs volontaires) dont cinq journalistes parmi lesquels des figures emblématiques de la chaîne :  cela représente un quart de la rédaction. L’idéologie dominante en matière de conditions de travail estimera qu’il suffit d’augmenter la productivité par une hausse des heures prestées et qu’aujourd’hui avec les progrès technologiques « on peut faire plus avec moins ». Et cela alors que face au déferlement des « fakes news », l’information de service public (  au sens large du terme : celle qui offre au citoyen les moyens de comprendre le monde d’ici  et d’ailleurs et d’y interagir) a plus que jamais besoin de temps et de moyens.

Certes, la situation économique de la chaîne était devenue insupportable : diminution des recettes publicitaires, des contributions des télédistributeurs et déjà d’une partie des subsides qui constituent la base de son financement. Le déficit prévu pour 2025 s’élève à 300.000 euros, celui de 2026 aurait atteint le double.  L’absence de gouvernement bruxellois a encore accru les incertitudes. Mais la crise de management qu’a connue BX1 depuis quelques années n’est pas pour rien dans l’évolution de sa situation. L’affaire du parachute doré accordé à l’ancien directeur y a également contribué. De fait, c’est bien le Conseil d’administration – Organe d’Administration dans le vocabulaire actuel-qui a joué le rôle d’employeur. Celui-là même -à quelques modifications près- qui avait accordé le fameux parachute doré et qui face au scandale avait dû le réduire de moitié ( de 500.000 à 250.000 €…). Et c’est donc cet Organe de gestion, où siègent  des représentants des partis politiques (8) et du secteur associatif (7), secondé par un Conseil des rémunérations qui a décidé des licenciements. Et cela à l’unanimité moins deux abstentions ( celles des représentants du PTB). Cette unanimité reflète d’abord une  vieille culture du consensus qui veut éviter les conflits et aboutit souvent à masquer les débats. On s’étonnera tout de même que la secrétaire générale de la FGTB Bruxelles qui siège au Conseil ait approuvé un plan de licenciements aussi dur et que les représentants du PTB se soient seulement abstenus. Pour ces derniers, les conditions du processus de décision et une certaine inexpérience face à la pression unanimiste ont certainement dû jouer. Trois questions se posent à propos de ce plan de licenciements. La première concerne les conditions dans lesquelles il a été communiqué par le CA. Du côté de ce dernier on affirme que tout a été fait dans les règles, que de nombreuses réunions y ont été consacrées, que la délégation syndicale y a été associée. Ce n’est pas le point de vue de cette dernière qui affirme que si des discussions sur la situation de l’entreprise ont bien eu lieu, en tous cas le plan social ne lui pas été communiqué. La deuxième porte sur le caractère inévitable des licenciements. Les administrateurs ne pouvaient certes pas rester inertes face à la situation financière au risque d’aller à la faillite pure et simple. Mais en fonction des objectifs qu’un plan de restructuration est censé élaborer, d’autres mesures d’économie auraient pu être recherchées. On touche là précisément à la troisième question : l’absence de projet et de perspectives qui auraient dû précéder des mesures de licenciements. La question est essentielle pour ce type de chaine qui contrairement aux stations généralistes doit produire elle-même l’essentiel de ce qu’elle met sur antenne. Dans ce cadre,  amputer une rédaction d’un quart de ses effectifs peut être vital pour son existence. Des négociations auront lieu avec la délégation syndicale notamment sur les nouvelles conditions de travail mais le traumatisme laissera des traces.

Plusieurs membres du personnel ont raconté cet épisode qui témoigne d’un mépris insupportable  à leur égard : le lundi matin, des membres du CA sont venus apporter des croissants aux équipes pour fêter l’arrivée dans les nouveaux locaux qu’elles venaient d’investir. Le mardi, les mêmes appelaient, à tour de rôle, celles et ceux qui étaient licenciés. Cela ne s’invente pas.  La crise de BX1 s’inscrit aussi dans un contexte plus large qui touche l’ensemble des médias associatifs, régionaux ou de service public qui, pour des raisons idéologiques, sont une des cibles de la politique menée par les nouvelles majorités communautaire ou fédérale.

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2 réponses à BX1 : des licenciements à la chaîne

  1. bruno dit :

    Tout à fait d’accord avec l’analyse. Mais je me demande si on n’a pas un peu vite tendance à incriminer les nouvelles majorités (la dernière phrase)… lorsque je vois la décision de Philippe Close de fermer la Centrale d’art contemporain, et de subventionner à une hauteur semblable le mal nommé Musée de la bière. S’agit-il de l’effet de la présence du MR au sein de la majorité, ou s’agit-il de la position de Philippe Close qui, grâce (ou plutôt à cause) du contexte de droitisation généralisé ose dire et faire ce qu’il a toujours pensé, fût-il sur certains dossier de gauche?

    1. Hugues Le Paige dit :

      Bien sûr ! les attaques des majorités de droite à l’encontre de la culture (« subversive ») n’explique pas tout. Les abandons et les manquements des partis de centre-gauche sont aussi responsables de la dégradation culturelle ambiante.

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