Emilie Romagne : Grazie alle Sardine !

Une des premières paroles du secrétaire national du Parti Démocrate a été pour « remercier les sardines ». Et Nicola Zingaretti leur doit bien cela… Au scrutin régional en Emilie Romagne, la victoire du candidat sortant de centre-gauche, Stefano Bonaccini a été très nette -51,4 % contre 43,6 %  face à sa rivale de la coalition de la droite et de l’extrême-droite-  alors que jusqu’à la veille des élections, les sondages les donnaient au coude à coude. La défaite est incontestable pour Matteo Salvini. C’est la première dans les urnes depuis qu’il a pris le contrôle de la Lega. Un coup d’arrêt ? À voir.

Les Sardines, premiers vainqueurs

Il y a plusieurs vainqueurs et plusieurs perdants dans cette élection. Le premier vainqueur, ce sont, en effet, les sardines qui sont nées un soir de novembre à Bologne précisément pour faire barrage à la Lega et à sa politique d’exclusion. Les sardines ont réussi ce que la gauche (et/ou le centre-gauche) était – et est encore — incapable de faire : mobiliser dans la rue ( et ensuite dans les urnes) les citoyens en faveur d’une politique de solidarité, d’égalité et de respect de la diversité. Les sardines ont su, comme l’écrit Il Manifesto, insuffler des « anticorps démocratiques » dans la société italienne. Résultat : une participation de 67 % en Émilie Romagne, c’est-à-dire 30 % de plus que lors du scrutin précédent en 2014[1]. La mobilisation a clairement profité au candidat du PD qui a pu défendre un bilan positif et est naturellement l’ incontestable vainqueur « en titre » de la consultation. Sur le plan national, le PD qui avait accepté le défi de Salvini et projetait son avenir en fonction de l’issue des urnes peut être satisfait d’autant que ce succès vient après tant de défaites. Il ne faut pas oublier que la coalition droite-extrême droite a remporté 9 des 10 derniers scrutins régionaux. Mais il ne faudrait pas en exagérer la portée politique. Certains commentaires, comme ceux du quotidien La Repubblica, proche du PD, affirment un peu rapidement que ces résultats donnent « de la crédibilité à la gauche réformiste[2] comme force de gouvernement. » Certes, le PD sort renforcé au sein du gouvernement Conte, mais sa crédibilité est encore largement convalescente.

Le vainqueur en titre

Les Cinque Stelle, elles, sont à l’agonie : 4,7 % contre 27 % aux élections législatives de 2018. Luigi Di Maio qui tout en restant ministre des Affaires Etrangères avait anticipé la défaite en démissionnant de ses fonctions dirigeantes au sein du parti, la semaine dernière, n’a pas de chance avec ses partenaires gouvernementaux. La Lega, d’abord au sein du gouvernement Conte 1, le PD ensuite dans l’équipe Conte 2, l’ont réduit à un rôle subalterne. On peut penser que la formation populiste antisystème fondée par Beppe Grillo et Gianroberto Casaleggio a épuisé son « rôle historique ». Dans un premier temps, des électeurs de Cinque Stelle ont rejoint les rangs de la Lega, dans un deuxième temps d’autres ont, comme en Emilie Romagne, déserté au profit du PD. On n’échappe pas éternellement à la logique du ni gauche-ni droite.

Défaite pour les Cinque Stelle, défaite pour Matteo Salvini qui avait voulu transformer le scrutin Émilien en referendum sur sa personne et sur le maintien de l’actuel gouvernement PD/5 Stelle. Pari perdu pour le « capitaine » de la Lega qui s’est impliqué au premier rang dans la campagne et qui avait promis un « Stalingrad[3] » au PD. C’est l’une des principales leçons de ce scrutin. La défaite est rude. Il faut pourtant la tempérer. La Lega demeure un parti dominant dans l’Italie contemporaine et il ne faut pas faire l’impasse sur l’autre scrutin régional qui se déroulait simultanément en Calabre et où la coalition Lega-Forza Italia (Berlusconi) — Fratelli d’Italia (néo-fasciste) l’a emporté haut la main avec 55,4 % des voix contre 30,1 % au PD et ses alliés, mais confirmant aussi le déclin sans doute inexorable des 5 S (6,2 contre 43,3 en 2018). Certes, c’est une candidate de Forza Italia qui dirigera la région, mais là aussi l’ombre tutélaire de Salvini a joué son rôle. La Calabre séduite par une coalition dominée par la Lega, cela en dit long sur l’hégémonie de cette dernière.

Une défaite. Un arrêt ?

D’autres scrutins régionaux sont prévus dans les prochains mois, notamment en Toscane, dans les Pouilles et en Campanie. Autant de tests qui peuvent remettre en cause les rapports de force. En attendant, les sardines qui se félicitent de la défaite de Salvini et en assument évidemment une part déterminante ne se reconnaissent toujours dans aucun parti. Et surtout, elles ont décidé de déserter l’avant-scène médiatique pour se consacrer à une nouvelle phase de leur développement, peut-être la plus délicate : la structuration du mouvement et l’élaboration de son manifeste. Pour cela, elles ont rendez-vous à Naples les 14 et 15 mars prochain. Sans doute le vrai rendez-vous politique essentiel pour l’avenir…

[1] [1] Il faut dire qu’alors la participation était tombée à 37,71 %, le taux le plus bas de l’après-guerre. Ce qui en dit long sur le rapport à la politique dans ce qui était encore considéré un peu légèrement comme un « bastion rouge ». Voir à ce sujet mon Blog-Notes précédent : https://www.revuepolitique.be/blog-notes/emilie-romagne-une-journee-particuliere/

 

[2] Parlons plutôt d’un centre (gauche) très peu réformiste

[3] Curieuse inversion historique qui en dit long sur sa propre identification idéologique

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