Anticipation sondagière (c’est la nature même de l’exercice !), anticipation médiatique et finalement anticipation politique : c’est un truisme mais n’oublions pas, malgré tout, que nous sommes encore aujourd’hui dans un débat virtuel, sinon dans la politique fiction. Du moins tant que l’électeur n’aura pas tranché en bonne et due forme. Ne négligeons pas non plus les effets « retour » des sondages dont une partie de l’électorat pourrait choisir de corriger des effets jugés par trop grossissants. Les écarts annoncés sont tellement importants qu’ils devraient non seulement bouleverser le paysage politique mais aussi constituer une première dans l’histoire politique du pays.
L’opposition pour refonder
Ces précautions oratoires prises, adoptons comme tout le monde les grandes tendances des sondages comme base de discussion.
L’avenir de la gauche est confronté à une double question contradictoire. Si la défaite historique du PS est confirmée, la tentation sera grande pour les socialistes de retourner dans l’opposition après 21 ans passés au pouvoir. Comme bien d’autres, nous l’avons souvent souligné dans les colonnes de « Politique », une véritable refondation du PS n’a une chance de se réaliser qu’en dehors des allées du pouvoir. Elle suppose une telle réflexion et une telle mise en cause que ce renouveau ne peut se construire que dans l’opposition. Sur le plan idéologique et programmatique, les socialistes francophones doivent faire face à une crise globale qui touche l’ensemble de la social-démocratie européenne. Certes ils avaient jusqu’ici mieux résisté électoralement que la majorité des socialistes européens. Mais l’arrogance qui accompagne généralement l’usure du pouvoir, et le maintien de pratiques clientélistes au-delà – et en plus – des « affaires » elles-mêmes vont sans doute, cette fois, se payer très cher. Et on a beau dire, en guise de défense, dans les rangs socialistes que le PS est resté l’un des plus « sociaux » face à la déferlante libérale des vingt dernières années, l’absence de projet crédible confrontée à l’hégémonie idéologique de la droite est plus criante que jamais. Par ailleurs, comme la plupart des socialistes européens, le PS a peu ou prou contribué – et assumé- la libéralisation globale de nos sociétés (notamment en matière de privatisation et de sacrifice des services publics).
…sauf si L’Olivier…
En même temps, si l’on ne veut pas retrouver une alliance libérale-Ecolo aux différents niveaux de pouvoir, si l’on souhaite, comme beaucoup à gauche, en particulier dans les mouvements sociaux et associatifs progressistes, que l’ Olivier puisse non seulement être reconduit à Bruxelles mais aussi vivre à Namur, il faut d’une part, une volonté Ecolo affirmée ( elle existe à Bruxelles mais semble nettement plus incertaine en Wallonie) et une décision socialiste de poursuivre la participation malgré les arguments justement avancés en faveur de l’opposition. Bien entendu, tout dépendra d’abord de l’ampleur de la victoire des uns et de la défaite des autres. Les Verts devront en tout état de cause assumer leur victoire annoncée et prendre leurs responsabilités. On ne saurait évidemment leur reprocher une alliance avec les libéraux si aucune alternative ne se présente. D’autant que de leur côté, les socialistes n’ont jamais répugné à ce genre de collaboration (qu’ils pratiquent d’ailleurs toujours à une échelle non négligeable au niveau communal, provincial…et fédéral). On l’a également souligné ici et là, les convergences programmatiques tant sur le plan socio-économique, fiscal ou environnemental sont nettement plus marquées entre écologistes et socialistes qu’avec les libéraux. Si les résultats finaux le permettent, l’Olivier sera bien la coalition la plus « naturelle » pour ses composantes. Ceci peut paraitre paradoxal par rapport aux lignes qui précèdent concernant la nécessité d’un retour du PS dans l’opposition. Mais il n’est pas certain que l’on mesure bien l’ampleur des crises qui nous menacent. Alors que les bourses ont déjà repris une course à la hausse – les financiers n’apprennent décidemment rien- les catastrophes sociales s’accumulent et n’en sont qu’à leur début. Pour faire face à ces crises , pour prendre des mesures drastiques qui protègent le mieux possible le citoyen, pour une remise en cause radicale – et égalitaire- de la politique fiscale notamment, le pays a besoin( en commençant en l’occurrence par les régions), d’un gouvernement de salut public social que seul l’Olivier peut assurer.
La difficile modestie
Cela suppose plusieurs conditions : une volonté politique des Verts, une participation – mais à la mesure exacte de leurs résultats- des socialistes.
Le PS qui a régné pratiquement sans partage sur la Wallonie voudra-t-il, saura-t-il, accepter une participation forcément (plus) modeste aux responsabilités tout en mettant définitivement de côté les symboles de ses dysfonctionnements et certains de ses ténors qui l’ont conduit à la faillite ?
Ce rôle-là est certainement plus difficile à décider et plus douloureux à remplir que celui d’opposants mais il pourrait aussi être le premier signe d’une volonté de refondation.
Il ne va pas de soi car déjà dans ses déclarations (qui prennent souvent l’allure d’une manœuvre désespérée pour limiter les dégâts), le PS ne semble concevoir une coalition progressiste que sous son égide et sa direction. Les socialistes ont souvent eu tendance à traiter leurs alliés potentiels ou effectifs en supplétifs plus qu’en partenaires respectés. Ce qui n’augure pas vraiment d’un retour à la modestie qu’exigerait leur revers électoral annoncé.