« C’est une entreprise de dévastation de la solidarité nationale », « une purge comme jamais proposée depuis la seconde guerre mondiale » : ces mots à propos du programme de François Fillon sont ceux d’Henri Guaino, gaulliste et ancienne plume de Sarkozy (de 2007 à 2012). L’ironie de l’histoire veut que les deux hommes aient été des proches de Philippe Séguin. Guaino revendique toujours, avec une certaine légitimité, l’héritage du gaullisme social. Fillion (dont on a oublié qu’il avait défendu le « non » lors du referendum de 2005 sur le projet de Constitution européenne) s’en est radicalement affranchi pour défendre le « thatchérisme à la française » qui a séduit jusqu’à pamoison la droite conservatrice.
Pour ceux qui avaient lu son programme avant que son auteur ne sorte des oubliettes de la primaire de la droite et du centre, il était évident que l’homme de la Sarthe était le plus conservateur et le plus ultra libéral de tous les candidats.[[ Voir : Le Blog-Notes du 14.10.2016 – Le Président et les 7 prétendants http://blogs.politique.eu.org/Presidentielles-le-President-et?var_mode=calcu]] Son écrasante victoire finale le met en position de premier prétendant à la Présidence même si les campagnes présidentielles réservent toujours des surprises. Mais surtout, elle traduit l’hégémonie culturelle et idéologique de la droite dure en France. Au-delà des chiffres, c’est la carte électorale de l’hexagone qui impressionne : Fillon arrive en tête dans tous les départements à la seule exception de la Gironde naturellement juppéiste et de la chiraquienne Corrèze. En trois semaines, sorti des tréfonds de la primaire, Fillon a écarté les jeunes prétendants au renouveau comme les caciques de la droite historique expédiés à la retraite. Ce qui ne devrait pas faire oublier le passé d’un homme élu pour la première fois en 1981 et qui a occupé toutes les fonctions ministérielles au cours des deux dernières décennies.
Certes les 4 millions et demi de participants à la primaire, même s’il s’agit-là d’un chiffre record, ne représente que 10 % du corps électoral. Et on a vu dans certains bureaux de vote la physionomie sociologique et même vestimentaire des électeurs. C’est bien d’abord la droite traditionnelle et catholique – ceux que l’on appelait les « lodens verts » dans les années 60/70 -[[ le loden vert est un pardessus tyrolien qui, à cette époque, faisait foison à la sortie des églises et des pensionnats de la bourgeoisie catholique]] qui se pressait pour désigner François Fillion. Naturellement, ils n’étaient pas les seuls – loin de là – mais ils donnaient le ton.
Dimanche soir, dès l’annonce des résultats, les partisans de l’ancien premier ministre de Sarkozy affirmaient que celui-ci était le meilleur candidat contre la gauche et l’extrême droite. Il n’est pas certain que la gauche qui s’étripe à qui mieux mieux ait vraiment besoin d’un adversaire pour disparaitre de l’horizon présidentiel. On y reviendra dans un prochain Blog-Notes. Quant au FN, rien n’est moins sûr. Certes la radicalité identitaire et l’hyper conservatisme sociétal de Fillon peut lui valoir l’adhésion d’une partie des électeurs frontistes. Mais son programme socio-économique fait de lui la première cible du parti de Marine Le Pen. Dès dimanche, ses principaux lieutenants aux premiers rangs desquels Florian Philippot dénonçaient avec délectation la « casse sociale » que prépare le candidat désigné de la droite. En l’absence d’une gauche inaudible, le discours social du FN peut avoir un écho considérable. De plus, en cas de deuxième tour Fillon- Le Pen, les électeurs de gauche auront bien du mal à ne pas se réfugier dans l’abstention. Dans tous les cas, ce sont des jours sombres qui s’annoncent…