L’information feuilletonisée est le ravissement des médias. Pour le coup, les « branquignols » de la droite française comme les appelle Le Figaro qui a retrouvé les accents voltairiens de ses origines nourrissent quotidiennement le scénario. On a beaucoup évoqué le conflit d’égo qui oppose les frères ennemis de l’UMP, rappelant d’autres affrontements d’hier. Les duels fratricides n’ont jamais manqué à droite : Chirac/Chaban, Giscard/Chirac, Chirac/Balladur ou encore Villepin/Sarkozy mais on pourrait se souvenir d’autres affrontements aussi sanglants à gauche : Mitterrand/Rocard, Jospin/Fabius ou autres Hollande/Aubry. L’intensité de cette guerre vient à en faire oublier le cœur de l’enjeu politique. Car derrière l’affrontement Copé/Fillon qui continuera de toute manière à diviser les clans et qui occupe tous les commentaires, l’UMP s’est choisie une ligne politique lourde de sens.
Lors du vote contesté pour la présidence, les militants choisissaient aussi parmi cinq motions. C’est celle de la « Droite Forte » qui l’a nettement emporté devant celles de la Droite Sociale et des Humanistes centristes. Il faut lire cette motion rédigée par deux jeunes loups dont l’un avait déjà eu une tanière au Front National. « Travail, famille, patrie » sont les valeurs répétées à chaque paragraphe dans un style que le Maréchal n’aurait pas renié. On y prône l’interdiction de la grève pour les enseignants et la suppression de la couverture médicale pour les étrangers. Et derrière la défense d’une « république laïque de tradition chrétienne » – on ne craint pas les contradictions du côté de la droite forte – se dissimule à peine un anti-islamisme rampant. Voilà donc la ligne politique qui est désormais majoritaire au sein de l’ancien parti gaulliste. Elle se situe dans le prolongement radicalisé de la campagne présidentielle d’un Nicolas Sarkozy référence absolue de la motion victorieuse.
Quoi qu’il advienne de l’UMP, la droite française a un nouveau maître à penser qui a inspiré l’ancien président et ses jeunes épigones sur les thèmes de l’immigration, de l’identité ou de la sécurité. Patrick Buisson, puisque c’est de lui qu’il s’agit, vient de l’extrême droite la plus radicale. Ce penseur maurassien a aussi lu Gramsci et il sait que l’hégémonie culturelle doit précéder la victoire politique. La gauche l’a oublié, si elle ne l’a jamais su. Alors que la droite se radicalise et se fracasse, la gauche tergiverse et, parfois même, se couche. Sur le vote des étrangers, les questions éthiques ou les sans papiers, elle a, décidément, peur de son ombre.