Au hasard des lectures sur la situation sociale, économique et financière, on ne peut pas être fondamentalement optimiste sur la sortie de crise. Ce qui frappe d’abord, une fois de plus, c’est l’absence d’enseignements tirés de la crise financière de 2008. Dans sa page économique du weekend passé, « Le Soir » notait, par exemple, que les fameux subprimes, ces crédits immobiliers qui avaient été à l’origine de l’implosion du système financier représentaient à nouveau 20 % des crédits hypothécaires aux Etats-Unis, tandis que les bourses rebondissent d’une manière aussi spectaculaire qu’artificielle : 70 % de plus en 9 mois selon l’indice mondial le plus connu et alors que les fonds spéculatifs sont à nouveau proposés avec succès aux investisseurs.
Comment ne pas penser que les mêmes causes vont produire les mêmes effets. L’obsession du profit immédiat demeure bien le moteur de cette économie capitaliste que le chœur des gouvernants du monde disait vouloir réguler et moraliser. Par ailleurs, la mutation de ce capitalisme est incontestable sur un point : même si une certaine reprise parvient à se dessiner, le chômage continuera à progresser et la précarité de l’emploi sera la règle.
Le sociologue Robert Castel à fait de l’étude de cette mutation, le centre de ses recherches depuis de nombreuses années. Dans son dernier ouvrage « La montée des incertitudes : travail, protection, statut de l’individu », paru au Seuil, il y a quelques mois, Robert Castel analyse ce changement de régime du capitalisme. Le cœur de la transformation, dit-il, se situe d’abord au niveau de l’organisation du travail et se traduit par une dégradation du statut professionnel. La précarité s’étend et devient un état permanent. Parallèlement ce nouveau régime capitaliste développe une dynamique de décollectivisation et de mise en concurrence permanente des travailleurs entre eux. Et Castel de faire remarquer que contrairement à ce qu’affirme une certaine idéologie libérale qui continue à imposer sa loi, en dépit des catastrophes qu’elle a provoquées, plus une société est une société d’individus, plus elle a besoin de l’Etat comme principe d’unification et de protection.