«Un ex démocrate chrétien dirige désormais les ex-communistes», c’est la boutade qui avait le plus de succès au comité national du Parti Démocratique qui s’est déroulé à Rome ce samedi 21 février. Et il est vrai que Dario Franceschini qui a été élu secrétaire général du parti après la démission surprise de Walter Veltroni est un pur produit de la Démocratie chrétienne (tendance progressiste, tout de même). Mais cette élection est doublement significative. Vingt ans après sa disparition comme parti dans les scandales politico-financiers et l’opération «mains propres», la DC reste omniprésente dans l’ensemble du paysage politique italien. De plus, la crise que vient de vivre le Parti Démocratique (où l’on retrouve donc les anciens communistes et les anciens démocrates chrétiens de la «Marguerite») rappelle la gestion politique de la «Baleine blanche», comme on appelait la DC, avec sa guerre des courants et des clans et sa «transversalité politique».
Walter Veltroni qui a dirigé le PD depuis sa récente naissance a vécu en seize mois un véritable enfer, enchainant les défaites électorales, des législatives de 2008 au dernières élections régionales en Sardaigne, devant régler le cas de dirigeants impliqués dans des affaires ou incapables d’affronter des crises graves, comme celle des ordures napolitaines, sans compter le sabotage interne de ceux qui ne pensaient qu’à s’en débarrasser. Veltroni disposait pourtant d’une véritable légitimité populaire puisqu’il avait été élu par trois millions et demi de citoyens lors de primaires qui avaient connu un grand succès. Mais celui que l’on surnomme «ma anche…» ( mais aussi…) n’a jamais su transformer cette légitimité en autorité, voulant — ou devant — en permanence ménager laïcs et catholiques, ex-communistes et ex-démocrates chrétiens, partisans d’une alliance avec le centre droit et ceux qui souhaitent un accord avec ce qu’il reste de la gauche plus ou moins radicale. Sans oublier les peaux de bananes de son allié, Antonio Di Pietro qui avec son «Italie des Valeurs» veut s’affirmer comme le seul adversaire résolu de Berlusconi mais n’hésite pas à surfer sur l’onde du populisme et de l’antipolitique.
En jetant l’éponge Veltroni soulève des questions beaucoup plus profondes sur la nature même du PD et sur un projet qui n’ jamais vraiment décollé. L’identité du PD reste faible pour ne pas dire inexistante, le projet hésite entre centre et centre-gauche, les différentes cultures d’origine tardent à se fondre, le positionnement européen (avec les socialistes ou les démocrates chrétiens?) n’est toujours pas fixé. Mais les dirigeants du PD ont décidé ne pas aborder ces questions avant un congrès prévu en octobre. Ils doivent, il est vrai, affronter de difficiles élections communales et européennes en juin et ont donc désigné un secrétaire général «temporaire», Dario Franceschini, l’ex-bras droit de Veltroni, qui fera ce qu’il pourra.
Les grands débats seront pour plus tard. Les dirigeants du PD ont voulu donner l’impression de se ressaisir et de refuser le suicide politique mais en attendant Berlusconi qui a beaucoup plus profondément transformé l’Italie qu’on ne le croit a encore de beaux jours devant lui. Il s’est contenté de plaisanter en faisant remarquer que depuis 1994 — d’Ochetto à Veltroni — il avait déjà «renvoyé à la maison» huit dirigeants du centre-gauche et qu’il ferait de même avec le neuvième. Sans une profonde remise en cause de sa ligne politique, de sa stratégie et de ses alliances, l’opposition n’arrivera pas à le démentir.