C’est un constat cynique et un paradoxe criminel mais si on va au bout de la logique des rapports Nord/Sud et plus largement du capitalisme mondial, on pourrait aboutir à la conclusion que la totalité de l’aide d’urgence accordée à Haïti pourrait infine servir à payer la dette du pays à l’égard d’organismes internationaux comme le FMI ou la Banque Mondiale. Bien sûr il n’y a pas d’automatisme en la matière et les circuits sont plus complexes. Mais de fait, la situation est bien celle-là si l’on reste dans la logique du fonctionnement actuel.
Et c’est bien pourquoi des voix s’élèvent aujourd’hui pour demander l’annulation de la dette d’Haïti. Le comité pour l’annulation de la dette du tiers monde ou le CNCD-11.11.11 se sont exprimés en ce sens. Bien évidemment l’aide d’urgence est nécessaire mais la mobilisation actuelle des citoyens comme des Etats ou des organismes internationaux doit s’accompagner d’une politique de reconstruction et de développement qui tienne compte des besoins de la population et plus seulement des politiques restrictives des organismes financiers mondiaux. Il faut rappeler ici que la dette haïtienne a une histoire, qu’elle a la fois le fruit de l’ancienne domination coloniale et néocoloniale mais aussi d’une dictature sanglante qui pendant 30 ans a confisqué à son profit toutes les richesses du pays et cela avec la bénédiction de l’Occident. Et qu’ensuite la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement qui détiennent avec le FMI l’essentiel de la dette extérieure haïtienne ont imposé ce qu’elles appellent des politiques d’ajustement structurel qui non seulement ont détruit l’économie locale, agricole notamment, mais ont fait faillite partout ailleurs depuis plusieurs décennies, enfonçant un peu plus les pays du tiers monde dans le sous-développement et l’hyper pauvreté.
Le drame humanitaire que vit Haïti est sans précédent. Si l’émotion et la mobilisation qu’il suscite ne s’accompagnent de mesures radicales sur le long terme, le calvaire du peuple haïtien sera simplement prolongé. De nombreuses instances et personnalités qualifiées se sont déjà prononcées pour une mesure de ce type : l’annulation totale et inconditionnelle de sa dette est la seule véritable chance d’avenir pour Haïti. Et ce serait aussi le signe d’un autre mode de développement pour le tiers monde. C’est aujourd’hui et sans retard qu’elle doit être décidée.