Ce qui s’est passé à l’agence Belga est extrêmement grave. Ce n’est certes par la première fois que le décès de la Reine Fabiola est annoncé par erreur. Et l’histoire de la presse est émaillée de nécrologies intempestives. Mais dans le cas qui nous préoccupe, ce n’est pas l’erreur humaine ou la précipitation désordonnée qui sont en cause mais un système mis en place à grand renfort de publicité. Et le media concerné n’est pas une quelconque feuille à scandales mais l’agence nationale de presse censée faire autorité et qui nourrit de ses dépêches l’ensemble de la presse belge.
En inaugurant son nouveau système « I Have a news » qui permet à tout un chacun d’envoyer une information de son cru en quelques mots et de la diffuser instantanément sans filtre journalistique, le dérapage était inéluctable. Il était même inscrit dans la logique du processus. Et d’une certaine manière Belga n’a fait qu’accentuer et formaliser une tendance lourde à l’œuvre dans une grande partie des médias, tous supports et tous statuts confondus : la primauté absolue à la vitesse au nom de la concurrence sans frein. Au nom de la transparence et du marché, ne jamais prendre le risque de ne pas être le premier quitte à devoir lamentablement démentir le pseudo scoop. Les journalistes vivent aujourd’hui sous la double contrainte de la rentabilité et de la vitesse à tout prix. Et certains patrons de presse pensent même qu’ils peuvent se passer du filtre journalistique.
Certes depuis lors la direction de Belga, évoquant une erreur d’organisation interne, a fait volte face et annoncé que les messages seraient désormais vérifiés. Mais la rédaction ne se contente pas de ses explications floues et embarrassées. Il n’est pas innocent que l’initiative « Il have a news » ait été le fait de la direction et du service marketing de l’agence et que la rédaction en ait été soigneusement écartée. Car le royal dérapage pose aussi la question de la confusion des genres qui est sans doute l’autre mal majeur qui ronge les médias. Que des petites notices publicitaires et des fausses nouvelles soient indistinctement mêlées au travail journalistique en dit long sur les préoccupations essentielles des marchands de presse.