Le mot est tabou. Ne dites pas « austérité » mais « rigueur ». Et pourtant avec les budgets tels qu’ils ont été adoptés, il s’agit bel et bien d’austérité. Pourquoi ne pas le dire. L’important n’est pas le mot mais de savoir qui en fin de compte paie l’austérité. On n’a pas la possibilité ici de décortiquer les différents budgets, ni de juger maintenant de certaines mesures positives ou négatives. Mais on pouvait se poser une question fondamentale : ces budgets vont-t-il ou non changer cette donnée qui caractérise notre système où 70 % du fonctionnement de la société est financé par les revenus du travail alors que les revenus mobiliers et financiers sont extraordinairement protégés.
De ce point de vue, rien n’a changé. Et pourtant, paradoxalement, les périodes d’austérité peuvent être des occasions de changements. Je voudrais vous donner à lire quelques lignes à ce propos. Elles datent de plus de trente ans et avaient été écrites par Enrico Berlinguer, secrétaire général du Parti Communiste Italien, un parti alors au sommet de sa force électorale et inventive.
« L’austérité, aujourd’hui, n’est pas un simple instrument de politique auquel il faudrait recourir pour surmonter une difficulté temporaire, conjoncturelle, pour permettre la reprise et la restauration des vieux mécanismes économiques et sociaux. Ca, disait Berlinguer en 1977, c’est la manière dont l’austérité est conçue et présentée par les groupes dominants et par les forces politiques conservatrices. Mais ce n’est pas cela pour nous. Pour nous, l’austérité est un moyen de contester jusqu’aux racines un système qui est entré dans une crise structurelle, une crise de fond, (…) le moyen de dépasser un mécanisme dont les caractéristiques sont le gaspillage, le gâchis, l’exaltation des particularismes et de l’individualisme les plus effrénés, de la consommation la plus folle. »
Faire de l’austérité un instrument possible pour la transformation de la société, disait Berlinguer dans ce discours essentiel. Profiter de l’austérité pour donner la priorité absolue aux besoins collectifs et modifier les comportements individuels, allier une fiscalité égalitaire et le développement durable. Ce n’est peut-être pas une utopie mais cela demande, en tous cas, une autre volonté politique et de rapports de forces différents.