Le 8 juin prochain, la Belgique peut présenter une double exception dans le paysage politique européen (si les sondages sont confirmés, bien entendu…) La première est la plus probable : un parti écologiste à plus de 20 %, cela n’existe pas ailleurs parmi les 27. Cette implantation particulière des Verts en Belgique francophone n’est pas nouvelle mais elle prendra alors une autre dimension qui en fera un véritable phénomène politique et politologique. L’autre exception serait la constitution d’un Olivier à Bruxelles en Wallonie. Avec un PS certes fortement affaibli (et représenté en conséquence) et des écologistes victorieux et résolument engagés dans l’alliance progressiste (c’est encore à confirmer), le rapport gauche-droite irait à l’encontre de la tendance générale qui se dessine dans le scrutin européen. Un peu partout, en en particulier, dans de grands pays comme la France, l’Italie, l’Allemagne (où elle est au pouvoir) mais aussi en Grande Bretagne et en Espagne (où elle est dans l’opposition), la droite risque de sortir grand vainqueur du scrutin. Une fois encore, ce sont les sondages qui l’annoncent. Et ce n’est pas parmi les adhérents récents à l’Union que la tendance risque de s’inverser. Le paradoxe d’une crise profonde du capitalisme profitant à la droite (et à une droite qui a –il est vrai, souvent avec la gauche- géré et assumé la dérégulation) est moins surprenant qu’il n’y paraît. Le spectacle peut paraitre étrange : les victimes de la crise cherchant à se rassurer dans les bras de ceux qui en ont une large responsabilité (ils ne sont les seuls !). On aurait pu s’attendre à ce que la gauche bénéficie au moins des effets de cette crise mais au niveau européen elle a du faire face à une double impuissance. Encore toujours incapable de définir un nouveau projet crédible (et son incapacité remonte maintenant à la chute du Mur de Berlin, il y a près de 20 ans…), elle n’a pas pu répondre à l’imposture des partis libéraux et des divers droites qui se sont emparés formellement du vocabulaire keynésien et des plaidoyers en faveur de la régulation alors qu’aucune politique sérieuse n’était menée dans ce sens. Il y a bien avant un échec électoral annoncé, un échec idéologique da la gauche sociale démocrate, comme le soulignait encore le politologue français Dominique Reynié [[voir Libération du 3 juin 2009]].J’ai souvent évoqué ici la « droitisation de la société » (qui est aussi du à son vieillissement en Europe) et l’hégémonie culturelle de la droite qui sont essentielles pour tenter de comprendre les victoires des libéraux et des conservateurs européens. L’exemple de Berlusconi est le plus frappant mais, en dépit des ses spécificités dont la maitrise quasi absolue des médias, il n’est plus isolé.
A la gauche de la gauche des groupes enregistreront certainement quelques résultats satisfaisants et méritoires. Ils peuvent constituer un aiguillon utile et intéressant mais vu leurs divisions et leur absence d’alternative politique, rien de plus.
Donner une chance à la gauche
Dans ce contexte, la constitution chez nous d’un double Olivier wallon et bruxellois serait à la fois la défense la plus efficace face à la crise sociale et à l’agressivité de la droite mais peut-être aussi la meilleure manière d’engager une réflexion approfondie sur le renouvellement d’un modèle progressiste associant une sociale démocratie profondément refondée et une écologie politique réellement ancrée à gauche. Rien ne sera facile et les résistances seront nombreuses. Ces dernières heures, on les sent bien, dites ou non-dites. La pression et les attaques des libéraux contre Ecolo, notamment dans le domaine de la fiscalité indiquent clairement l’incompatilité de leurs projets respectifs. Ce ne sont pas les accusations dérisoires de « rage taxatoire » qui comptent mais bien la conception même d’une politique fiscale qui trace une frontière qui devrait normalement rendre « contre-nature » une alliance « namuroise ». A condition une fois de plus que l’alternative existe et que le nécessaire soit fait en ce sens du côté socialiste (on en a aussi souligné la difficulté). Quant aux critiques et agressions des humanistes vis-à-vis d’Ecolo, on sait qu’elles sont essentiellement tactiques et que de toute manière le CDH s’alignera in fine sur le choix de l’alliance qui s’imposera. Pour des électeurs de gauche, en particulier pour ceux qui n’ont pas d’appartenance partisane, le moment est crucial. Les chances de triompher sont limitées, les risques de déceptions sont évidents mais faisons tout ce que nos bulletins de vote permettent pour donner une chance à cette exception de l’ Olivier, seule porteuse d’espoir dans un champ de bataille politique et social dominé, sinon ravagé, par la droite.