Ce n’est pas pour rien qu’on les appelle les « pays émergents », et le qualificatif est sans doute aujourd’hui un peu faible. Il s’est passé quelque chose cette semaine dont nous n’avons pas suffisamment pris la mesure, en raison sans doute de l’attention légitime que nous portons à notre crise politique. Mais l’annonce faite par les cinq principaux pays « émergents », le Brésil, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud et la Russie, d’une réunion la semaine prochaine à Washington pour envisager une aide à l’Europe en proie à la crise financière et budgétaire que l’on connaît, cette annonce constitue un véritable renversement historique. Et si ces pays décident effectivement de venir en aide aux économies délabrées de la vieille Europe libérale, on pourra dire qu’un nouveau chapitre des rapports de forces mondiaux sera définitivement sanctionné.
La situation n’est pas nouvelle, cette évolution est progressivement inscrite dans les faits depuis deux décennies. Mais l’histoire retiendra ce moment clef pour marquer l’ouverture d’un nouveau chapitre de la mondialisation. Jadis inféodés à l’Occident, les pays émergents passent désormais de l’autonomie à la domination. Bien entendu, les pays émergents ne peuvent poursuivre leur propre développement sur un champ de ruine européen et l’euro constitue pour la Chine notamment une importante devise de réserve. L’Europe incapable de construire une politique économique commune susceptible d’affronter les marchés paie aujourd’hui le prix fort d’un ultralibéralisme sans limite qui n’a pas son équivalent dans le monde. De plus, on va vivre demain une autre première historique : à Wroclaw, en Pologne, le secrétaire d’Etat au Trésor américain, participera à la réunion des ministres de l’Economie et des finances de l’Union Européenne. Les pays émergents d’un côté, les Etats-Unis de l’autre, l’Europe n’est plus maitre de son destin.
Hier le président de la Commission, José Manuel Barroso plaidait pour une intégration économique renforcée. Vœu pieux mais qui surtout ne met jamais en cause le triple échec successif du monétarisme, du libéralisme dogmatique et des politiques d’austérité. Les Européens s’apprêtent, pour la deuxième fois en trois ans, à voler au secours des banques. Avec l’argent public et sans réelle contrepartie, sauf à décider cette fois de la nationalisation pure et simple du secteur bancaire. Pourquoi pas !