Dimanche soir on examinera certainement avec beaucoup d’attention les résultats du deuxième tour de ces élections cantonales pourtant généralement considérées comme négligeables. La situation qui se présente tout à fait nouvelle : le Front National est présent dans 394 duels, dont 204 face au PS et 89 face à l’UMP. L’extrême droite remportera sans doute quelques-uns de ces affrontements. Mais d’ores et déjà, Marine Le Pen a réussi un coup double. D’abord avec une montée en puissance qui confirme les récents sondages : plus de 15 % des votes au 1er tour. Ensuite, parce que le Front National a provoqué une véritable zizanie au sein d’une droite qui ne sait plus à quel mot d’ordre se vouer.
Ces derniers jours, on a entendu tout et le contraire de tout dans le camp présidentiel incapable de fixer une attitude claire en cas de duel PS/FN. Pour Nicolas Sarkozy la consigne était de ne voter ni FN, ni PS, le président a été contredit par son premier ministre qui a souhaité faire barrage au Front National et donc voter PS sans vraiment le dire, tandis que l’aile droite de l’UMP prônait l’abstention et la plupart des centristes le vote en faveur des socialistes, refusant de donner la moindre voix à l’extrême droite. La déroute électorale de la droite au 1er tour se double d’un véritable désarroi idéologique et identitaire. C’est le résultat de la stratégie adoptée depuis plusieurs mois par Nicolas Sarkozy qui a constamment mis en avant les thèmes favoris du Front National.
A force de privilégier les questions liées – et insidieusement liées- à la sécurité, l’immigration, l’identité nationale et l’islam, le président et sa garde rapprochée ont joué les apprentis sorciers. Ils ont à la fois légitimé le Front National et décomplexé ses électeurs. Certes, Marine Le Pen doit aussi son succès à la crise et au mécontentement généralisé des Français, à sa propre personnalité qui a habilement modernisé l’extrême- droite mais aussi à son recentrage politique, privilégiant un discours sur les injustices sociales, le rôle de l’état et la laïcité. Ce faisant la fille a rompu avec le père et s’est ouvert de nouveaux horizons électoraux. Si la droite ne change pas de stratégie, elle offre un boulevard électoral à l’extrême droite pour la présidentielle de 2012. Et l’on pourrait revivre un 21 avril 2002 mais cette fois à l’envers avec l’élimination du candidat de la droite, laissant face à face la gauche et l’extrême droite dans une configuration inédite et incertaine.