La difficile construction du Front Républicain était évidemment vitale pour faire barrage au Rassemblement National. Les incertitudes qui l’accompagnent sont à la mesure du désarroi qui s’est emparé des forces démocratiques le dimanche 30 juin à 20h00. Spontanés et quasi automatiques à gauche, ces désistements ont été laborieux et incomplets au sein d’une droite qui entend faire des choix à la carte et à la tête des candidats LFI. Mise en lambeaux par le Président auto-dissous, la droite est plus que jamais sans boussole et est en proie au sauve-qui-peut des quelques dizaines d’élus qui espèrent sauver leur siège.
Malgré tout, ce Front Républicain devrait théoriquement empêcher le RN d’atteindre la majorité absolue dimanche prochain. Mais rien n’est acquis. Parce que l’on ne mesure pas l’ampleur de la dynamique qui porte le parti lepéniste et ensuite parce qu’il est impossible de savoir comment les électrices et les électeurs suivront les mots d’ordre des partis. Une part non négligeable des électeurs de gauche qui ont déjà « donné » par deux fois (en 2017 et en 2022 pour sauver Macron, le « rempart » contre l’extrême-droite) sont las. Ceux qui dimanche doivent déposer dans l’urne un bulletin Darmanin ou Borne pour barrer la route au RN auront le geste amer. Comme lors du premier tour la droite a réservé ses coups les plus violents à la gauche, ses électeurs risquent aussi de ne pas suivre des instructions déjà ambigües de leurs dirigeants. Certains d’entre eux comme Bayrou ou Philippe ont d’ailleurs donné ordre de ne pas voter pour les candidats LFI. De ce point de vue, la droite qui depuis des décennies fait le lit de l’extrême-droite poursuit dans sa logique mortifère. Les abstentions et les votes blancs seront sans doute légion.
Voilà autant de raisons pour lesquelles dimanche prochain, on ne peut exclure une majorité absolue pour le RN même si mathématiquement, elle semble difficile. Si ce n’est pas le cas, aucune autre majorité cohérente ne pourra sans doute se dégager. Déjà au sein d’une partie de la droite, du centre et du centre gauche, des voix évoquent le vieux rêve d’un gouvernement d’union nationale (même si on ne le nomme pas comme cela) qui regrouperait l’ensemble de ces forces. Logiquement, LFI a exclu cette possibilité qui empêcherait la création d’une réelle proposition alternative. Cette éventuelle alliance des « sortants » et des perdants conforterait encore un peu plus les électeurs du RN dans leur sentiment d’exclusion au profit du « système » qui veut avant tout perdurer. Dans un tel cas de figure, il suffirait pour le RN d’attendre la prochaine échéance électorale pour se garantir une large majorité absolue.
C’est bien la quadrature du cercle : les forces démocratiques, y compris la gauche sous toutes ses formes, ont pris un tel retard dans les réponses à donner à celles et ceux qui se sont détournés d’elles, qu’elles sont en quelque sorte paralysées. Certes il y a l’urgence, celle du Front républicain, mais qui ne va pas au-delà de l’indispensable blocage du pire. Sans doute est-ce une autre histoire et un autre rythme, mais il faudra retrouver le chemin de la grande majorité des électeurs du RN (près de 11 millions lors du premier tour) victimes, comme les autres, de la souffrance sociale imposée par un capitalisme ravageur et exploitée par une idéologie d’exclusion. Ce travail est évidemment multiforme (politique, social, culturel, idéologique) et à long terme. Il exigera encore bien des débats et des recherches. Mais ne pas l’engager, c’est se condamner à l’installation durable et sans limites de l’extrême-droite au pouvoir.
n’y a t-il vraiment que la droite qui ait « fait le lit de l’extrême-droite »? et que Macron qui soit responsable de l’état de la France aujourd’hui? La gauche n’a-t-elle pas été au pouvoir (bien sûr quelle gauche peut-on se dire). mais où est l’autocritique de la gauche? La position de condamnation morale est sans doute plus confortable et plus facile que la reconnaissance de ses propres erreurs. ce que nous subissons actuellement me semble le fruit de l’absence de théorie économique alternative au capitalisme. défendre les droits des minorités ne remplace pas cet élément. L’illusion a été de croire que les pays communistes n’étaient pas capitalistes. Capitalisme d’état ou capitalisme privé, fausse alternative. à quand le retour d’un anarcho-syndicalisme de base?
Bien sûr la gauche à une écrasante responsabilité dans la situation où nous sommes. Je l’ai écrit à de nombreuses reprises. Mais factuellement, ici et maintenant, et pendant ses deux présidences, Macron a offert le pouvoir au RN. Je n’évoque aucune condamnation morale, je fais les comptes des uns et des autres ( et les miens). Bien entendu que tout cela se déroule sous la responsabilité du capitalisme qui n’ a sans doute jamais été aussi puissant. Il y a du travail…
Belle et intéressante analyse.
Beijos, Lili Wauters
Quel que soit la responsabilité de la « gauche » en France, par exemple celle du PS qui trahit systématiquement ses électeurs depuis 1983, je ressens surtout qu’outre-Quiévrain, ce sont les médias qui font le lit de l’extrême-droite. Ils montent chaque soir en épingle quelques faits divers choisis, blanchissent les autres (https://contre-attaque.net/2024/07/04/chronique-dune-france-en-voie-de-fascisation/) et la violence capitaliste tout en invitant moult fois l’extrême-droite avec complaisance. En prime, ils agressent violemment les rares leaders de la gauche qu’ils tolèrent sut leurs plateaux.
Comme disait SebSauvage : « les jeux vidéos rendent peut-être nos enfants violents mais la TV rend nos darons fachos ».
Bien d’accord sur la responsabilité des médias. Mais il est important de partir du point de vue selon lequel la montée de l’extrême-droite a des causes multiples.
les électeurs de « gauche » ont aidé par trois fois la droite car, si cela a été vrai pour Macron par deux fois, cela a aussi été vrai une troisième fois pour Jean-Marie Le Pen face à Chirac… Trois fois !
https://www.facebook.com/share/p/qjsx3mwu33SSP4Qa/
Une remarque très tangentielle : quel beau titre !
Tout cela est juste. Cependant pour ma part je ne crois pas à une économie sans capital et à une planification de l’offre et de la demande. Mais on peut mieux encadrer les trois. Quoi qu’il en soit la question à courte et moyenne échéance est de rétablir un système régulé, un état protecteur, une sécurité sociale robuste (élargie aux communs ?) et un système qui, s’il restera de fondement capitaliste, ne nous entraîne pas dans des mécaniques délétères faites pour nous ignorer voire nous détruire et nous rende à ce point désillusionnés qu’il nous pousse dans les bras de dirigeants non-démocratiques, puants et évidemment eux-mêmes désillusionnés donc dangereux.