Le discours d’intronisation de Giorgio Napolitano, prononcé ce lundi, s’inscrit naturellement dans la logique des orientations que le Président défend depuis le lendemain des élections et qui ont conditionné, de sa part, l’acception d’un second mandat : la constitution d’un gouvernement de coalition regroupant PD et PDL. Certes Giorgio Napolitano a auparavant développé une critique impitoyable des partis incapables de réaliser les réformes politico-institutionnelles attendues depuis des décennies mais face à l’urgence, l’objectif politique reste bien de la grande coalition à l’italienne avec toutes les conséquences qu’elle implique pour l’existence-même du centre gauche.
Un bref retour en arrière s’impose. Très vite, après l’échec de Pier Luigi Bersani dans sa tentative désespérée d’obtenir l’appui du Mouvement 5 Stelle pour réaliser des mesures que celui-ci préconisait pourtant lui-même, Napolitano avait fait pression sur Bersani pour que de négociations s’engagent avec Berlusconi. L’imbroglio que constituaient les négociations parallèles sur l’élection du chef de l’Etat et la formation du gouvernement ajoutait encore à la confusion. Bersani humilié par Grillo se retourne finalement vers Berlusconi. La droite du PD, notamment celle issue de la Démocratie Chrétienne, est favorable à l’accord avec Berlusconi mais la gauche du parti, elle, y voit un véritable suicide politique, sentiment largement partagé par une grande partie de la base. La direction du PD sans ligne politique précise navigue à vue. Beppe Grillo, qui apprend vite en matière de manœuvre politique, avait lancé, quant à lui, la candidature de Stefano Rodota à la magistrature suprême. Coup de maitre car Rodota, figure historique de la gauche, juriste incarnant la probité et l’intégrité ne peut que séduire une partie des élus du PD particulièrement désorientés par le cours des choses. On connait la suite. S’ajoutant à ces divisions, les règlements de comptes intérieurs et les ambitions meurtrières achèvent le centre-gauche. Deux candidats présentés par le PD sont « grillés » : Marini, d’abord, qui avait été négocié avec Berlusconi, Prodi, la figure tutélaire de l’Olivier, ensuite, en raison de défections massives dans les rangs mêmes du PD. C’est la débandade, la démission de Bersani et du groupe dirigeant du PD et le recours au seul homme providentiel disponible, le locataire du Quirinale qui accepte malgré ses propres réticences mais en y mettant des conditions politiques drastiques, inédites dans un régime qui n’est pas – encore – présidentiel.
Le samedi 20 avril, à Montecitorio, un peu après 18.00, quand les grands électeurs se lèvent pour acclamer l’élection de Giorgio Napolitano, un homme exulte : Berlusconi a le sourire carnassier des grands jours. Quelques rangées plus haut, Bersani ne cache pas son désarroi.
C’est l’image qui restera de ce tournant primordial de la vie politique italienne. Berlusconi encore une fois ressuscité sait qu’on ne revotera pas dans l’immédiat et qu’il fera partie (lui ou en tous cas son parti) du prochain gouvernement. Son indispensable protection judiciaire en sort renforcée. Pier Luigi Bersani songe aux champs de ruines qu’est aujourd’hui le PD. Un cycle de la politique italienne va se conclure. Déjà son rival aux primaires de décembre 2012, le jeune Matteo Renzi prend date et annonce la refondation du PD sous le signe d’Obama et de Blair. Les dernières traces de l’héritage de gauche du PD risquent bien de s’évanouir sous la conduite du Maire de Florence qui évoque en permanence la libéralisation du travail comme mesure prioritaire. Avant d’en arriver là, les affrontements seront rudes, les scissions prévisibles et le désespoir politique cruel. Et il est même beaucoup trop tôt pour évoquer la reconstruction d’une gauche italienne.
Berlusconi et Grillo peuvent se frotter les mains : ils se sont débarrassés d’un adversaire commun qui, il est vrai, a largement mis du sien dans le processus d’autodestruction.