Il y a belle lurette que la France n’avait plus connu une telle mobilisation sociale. Mardi dernier, les syndicats ont non seulement réussi leur quatrième journée d’action contre la réforme des retraites, et cela dans l’unité – ce qui est rare-, mais le mouvement s’est à la fois élargi et radicalisé. La prochaine journée d’action aura lieu samedi et d’ici là des grèves sporadiques et reconductibles maintiendront sans doute la pression.
Cette mobilisation est étonnante et sans doute pleine de significations au-delà même de ses objectifs annoncés. Car, après tout, les dirigeants syndicaux comme les manifestants de base savent que le gouvernement ne cédera pas sur sa réforme, sur la fin de la retraite à 60 ans et l’allongement du temps de travail. Nicolas Sarkozy a fait de cette réforme particulièrement injuste puisqu’elle touche les plus faibles, une question de principe dont il n’entend pas discuter avec les organisations syndicales. Le sénat a déjà adopté les principaux articles de la réforme et l’Assemblée nationale entérinera le tout d’ici la fin du mois, moyennant peut-être quelques modifications de détails. La partie pourrait sembler jouée et pourtant la mobilisation ne fléchit pas, la colère des travailleurs non plus. C’est sans doute qu’au-delà de cette conquête sociale emblématique qui avait véritablement marqué le retour au pouvoir de la gauche en 1981, autre chose est en jeu.
C’est le refus de plus en plus affirmé de cette société marquée par la crise, les inégalités, les privilèges, la dictature de l’argent, cette société incarnée par Nicolas Sarkozy et son entourage. Les cortèges protestataires témoignent de ce rejet par les slogans mais aussi la diversité de ses participants : retraités, travailleurs du privé et du public, chômeurs de toutes générations. Et l’entrée en lice des lycéens, particulièrement inquiets pour leur avenir donne une dimension supplémentaire à ce refus du système dominant. « Les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère. On n’en veut pas de cette société-là » criaient les milliers de jeunes lycéens qui ont rejoint les cortèges syndicaux. On verra samedi, ce qu’il en sera de cette mobilisation là, comme des autres. C’est un signe qui souvent ne trompe pas. Reste une autre inconnue, dont tous les acteurs de la lutte sociale, sont bien conscients : comment lui donner une traduction politique. Et, pour celle-là, personne ne possède de réponse.