Jusqu’ici la campagne électorale était morne. En ce qui concerne les régionales, profil bas pour les uns, quelques slogans pour les autres. Chacun ayant pour ultime et prudente stratégie de faire confirmer ou démentir les obsédants sondages à répétition mais surtout sans bousculer les électeurs par des débats dérangeants qu’exigeraient pourtant les multiples crises que nous vivons. Et au niveau européen on peut même affirmer que la campagne est inexistante. Mais voici donc que l’éthique a fait sa réapparition, aubaine pour les uns, cauchemar pour les autres.
Voilà les affaires encore une fois à la une, occultant définitivement tout autre débat. Non pas que celui-ci soit sans importance. Bien loin de là. Depuis quelques années les scandales ont empoisonné la vie publique jusqu’à mettre en danger notre système démocratique. Et on ne sait plus si l’indignation, l’incompréhension ou l’étonnement doit l’emporter. Parce qu’ils sont pratiquement nés au pouvoir, des hommes politiques qui se revendiquent de surcroit de valeurs et d’idéaux collectifs pensent-ils pouvoir échapper aux règles éthiques ? Ou pire sans doute, la trop longue fréquentation de ce pouvoir rend-elle aveugle aux risques de confusions d’intérêts ? Lamentablement, une fois encore la question est posée.
Mais à trois semaines des élections il ne faudrait pas que cela soit la seule qui nous détermine. Pour cette dernière chronique avant le scrutin on a encore envie de répéter inlassablement que la politique reste la seule manière démocratique de déterminer notre destin collectif, que l’immense majorité de ceux qui s’y donnent et s’y adonnent exerce une activité difficile, exigeante et le plus souvent peut profitable au plan personnel. Du moins si l’on veut bien les comparer avec ceux qui exercent des responsabilités dans les affaires privées. Il y a là comme deux poids et deux mesures qui apparaissent insupportables. Nous venons de vivre, nous vivons encore et nous vivrons pour longtemps les effets catastrophiques des crises multiples. La plupart de ceux qui ont provoqué les crises financières et bancaires, ces responsables que François Martou aurait aimé voir en « cabane », resteront impunis quand ils n’ont pas déjà repris leurs activités. Les spéculateurs sont à leurs postes et déjà les bourses ont oublié le mot « régulation ». Dans les années 30, temps d’une autre crise, le célèbre bandit Al Capone définissait « le capitalisme comme le racket légitime organisé par la classe dirigeante ». Si l’on parle encore d’éthique dans les prochains jours, il serait peut-être opportun d’en étendre le champ de réflexion.