Italie : Un (in) certain retour à la politique

Les deux événements se sont succédé à 24 heures de distance. Ils ne sont pas sans rapport, mais il ne faudrait pas les confondre ni les réduire à deux facettes d’un même frémissement politique. Ils constituent, en tous cas, deux surprises positives dans le contexte politique italien. Samedi dernier, à Milan, une manifestation contre le racisme et la politique migratoire du gouvernement Salvini-Di Maio a rassemblé près de 250 000 personnes alors que les organisateurs n’en espéraient pas plus de 50 000. Manifestation citoyenne de la diversité, de la jeunesse, des mouvements associatifs et des syndicats : celle d’une Italie qui n’en peut plus de cette extrême-droite au pouvoir. Bien entendu, aussi encourageante soit-elle, il est impossible d’évaluer les lendemains possibles d’une telle manifestation.

Parmi les manifestants, il y avait aussi des politiques discrets et sans drapeaux comme l’impose la faillite de la gauche italienne. Parmi eux, Nicola Zingaretti, qui sera élu le lendemain nouveau secrétaire du PD. La surprise n’est pas son élection — il était favori face à deux concurrents proches de Matteo Renzi — mais bien l’ampleur de sa victoire (66 %) et surtout de la mobilisation des électeurs pour ces « primaires » : 1, 6 millions de participants (presque autant qu’en 2017) alors que, là aussi, les pronostics sur la participation étaient bien plus modestes. C’est un incontestable succès pour Zingaretti et pour un PD considéré comme moribond et, en tous cas, inaudible depuis les dérives libérales imposées par Renzi et la défaite électorale qui s’en était suivi le 4 mars 2018. Certes, les récentes élections régionales des Abruzzes et de Sardaigne avaient marqué un léger frémissement du centre (gauche), mais ce succès était surtout à mettre au crédit de listes « civiques » où le PD était très discret.

Que représente exactement la victoire de Zingaretti dans l’actuel contexte politique italien ? Il est certainement trop tôt pour en tirer des conclusions précises. Le changement de personnalité et de profil politique est évident. Zingaretti, 53 ans, homme discret et modeste est l’anti-Renzi par excellence. Et il a basé toute sa campagne sur le refus d’une gestion politique personnalisée et l’affirmation d’une direction collective. Zingaretti, actuel président de la région Lazio, a été membre du PCI et responsable de ses jeunesses. Il a évoqué des valeurs de gauche en matière socio-économique en mettant l’accent sur la lutte contre les inégalités. Mais le discours est resté très général et assez vague. D’autant que face aux lacérations qui ont miné le PD ces dernières années, le nouveau secrétaire veut jouer la carte de l’unité et de la réconciliation. Ce qui risque bien de l’enfermer dans un « changement dans la continuité » et d’empêcher la rupture avec le social-libéralisme indispensable pour retrouver une gauche crédible et populaire. La constitution de la liste européenne qui sera une de ses premières tâches donnera des indications sur la stratégie exacte qu’entend adopter le nouveau dirigeant du PD notamment par rapport aux forces de gauche aujourd’hui dispersées.

Une enquête réalisée[1] lors des primaires donne des indications précieuses sur le profil sociologique et sociopolitique de celles et ceux qui ont participé à ce scrutin. Un positionnement plus à gauche que le PD de Renzi, une motivation claire à sauver ou rendre sa place au parti de masse, une politique basée sur le territoire plutôt que sur les réseaux sociaux : bref un électeur/électrice appartenant plutôt à la tradition de la gauche classique. Mais aussi un électeur cultivé (84 % de diplômes supérieurs) et âgé (40 % ont plus de 65 ans et seulement 15 % ont moins de 30 à ans) : un peuple de « pensionnés » et de classes moyennes. Comme pour toute la gauche européenne qui a succombé au social-libéralisme, les classes populaires ont déserté. Et si ce succès circonscrit en termes d’appartenance socio-économique est loin d’être négligeable, il ne constitue en rien un blanc-seing donné aux nouveaux dirigeants du PD.

Par les temps qui courent, ceux du rejet des partis et la désespérance des militants, avec toutes les interrogations sur leurs suites, les deux événements sont une bonne nouvelle pour l’Italie même s’ils ne sont encore qu’un (in) certain retour à la politique. Et en n’oubliant pas qu’aujourd’hui la coalition au pouvoir, même profondément divisée, recueille près 60 % des intentions de vote et que c’est l’extrême droite de Salvini qui y règne en maitre.

 

 

[1] Primarie del Pd : più di sinistra e istruito. Ecco come cambia il popolo dei gazebo, Ilvo Diamanti, La Repubblica 4 mars 2019

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2 réponses à Italie : Un (in) certain retour à la politique

  1. Pascale Angelini dit :

    EVVIVA!
    😉

  2. Parrillo dit :

    La victoire, de Zingaretti que j’ai soutenu en Belgique ou il a obtenu 64% auprès de la collectivité italienne et qui fait en sorte que je serai élu ( à titre gratuit) à l’assemblée nationale du PD est à mettre, entre autre, et pour moi principalement à son ouverture aux corps intermédiaires . Partout en Europe c’est le contraire qui se passe. Les pouvoirs ignorent les corps intermédiaires. Zingaretti est un des seuls à avoir gagné à deux reprises dans le Lazio surtout par son ouverture à la société civile.

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